La conférence des Nouvelles Routes de la Soie : en bref…
C’est devant un public diversifié que Marc Grassin, directeur de l’Institut Vaugirard, ouvre cette 1ère grande conférence du pôle Eurasie XXI, portant sur les Nouvelles Routes de la Soie. Un bref rappel sur la vocation première de la réflexion que nous entendons mener : la reconnaissance de l’Autre (la puissance chinoise en l’occurrence), un éclairage nécessaire pour comprendre ses intentions ; démarche dans laquelle nous ne pourrons comprendre les enjeux politiques, économiques et humains qui sont à l’œuvre.
La parole revient à Renaud Donnedieu de Vabres, ancien Ministre de la Culture et de la Communication sous le mandat de Jacques Chirac.
M. Donnedieu de Vabres en appelle à un respect des principes de la multipolarité, et exhorte les Européens et tout particulièrement la France à recouvrer leur véritable singularité : l’attachement aux Droits de l’Homme, à la démocratie, et à la diversité culturelle. L’ancien ministre a par ailleurs joué un rôle essentiel dans la création, il y a plus de dix ans, du Louvre Abu Dhabi. Selon lui, nous ne pouvons nier les transformations économiques opérant à l’international. Ce faisant, l’Europe se doit d’affirmer sa volonté de participer au projet OBOR, sachant que de nombreuses entreprises françaises et européennes ont déjà un pied à l’étrier.
Emmanuel Lincot, responsable du pôle Eurasie XXI à l’Institut Vaugirard, souscrit à ces positions et insiste sur ce qui nous réunit ce soir: une tradition tout d’abord que porte l’Institut Catholique de Paris, celle de l’orientalisme, rappelant par là-même que notre Institut est l’un des rares, sinon le seul, où l’on enseigne à la fois le syriaque, l’araméen mais aussi l’arabe et le chinois. Il rappelle également que c’est dans ses murs que Teilhard de Chardin y a enseigné et que le futur grand iranologue Henry Corbin y fit ses classes en philosophie médiévale.
Exotique hier, la Chine s’invite désormais dans nos vies et nos relations d’interdépendance sur le plan économique ne peuvent nous laisser indifférents. En cela, la Chine d’aujourd’hui est sensiblement différente de l’URSS, bien que régime autoritaire . Ce fait capital et qu’il est bon de garder à l’esprit pose un problème de nature fondamentalement éthique : jusqu’où peut aller notre collaboration avec la Chine ?
À l’Europe de se réinventer, de redécouvrir une culture héritée de la Grèce : la « métis » (la ruse), le « kayros » (l’opportunité) pour relever ce défi. Elle est, quoiqu’on en dise, dans une conjoncture favorable que résume au mieux l’assertion d’Héraclite : « L‘opposé coopère. »
Christian Vicenty, chargé de mission au Ministère de l’Économie et des Finances, nous donne les chiffres du projet OBOR en termes d’investissements : 1000 milliards de dollars au bas mot, susceptibles d’être multipliés par 9. Ce projet n’a aucun précédent dans l’Histoire des Hommes. Si sa finalité est de privilégier l’axe – ferroviaire notamment – reliant la Chine à l’Europe, c’est en réalité un projet à portée mondiale qui nécessite d’y répondre d’une manière appropriée et par une concertation entre Européens.
Emmanuel Véron, maître de conférences à l’École Navale, situe le phénomène dans le « temps long » pour s’exprimer comme Fernand Braudel, en rappelant que ce projet est historiquement européen. Il insiste sur la corrélation entre les impératifs locaux de la Chine et ses ambitions globales. Changement de paradigme économique et souci de cohésion nationale constituent les lignes de forces de la politique initiée par Xi Jinping.
Barthélemy Courmont, directeur Asie à l’IRIS et cofondateur de la revue Asia Focus, clôt cette conférence en rappelant que la grammaire des relations internationales est en pleine transformation, même si un certain nombre de reconfigurations ne sont pas sans rappeler les théories énoncées il y a plus d’un siècle par Mahan (« Rimland ») et Mackinder (« Heartland »). Une chose est certaine : le monde unipolaire est en déclin. Signe des temps : l’anglais est en recul au profit du mandarin. Les antagonismes sino-américains ne déboucheront pas, selon lui, sur un conflit ouvert mais des frottements sérieux, dans le domaine économique, sont évidemment à craindre.
Marc Grassin remercie les différents intervenants pour la qualité de leurs communications et annonce la rédaction, dans les semaines à venir, d’une feuille de route, entre autres, sur les enjeux des Nouvelles Routes de la Soie.